Paroisse de la Vallée de l'Echelle

Notre-Dame de Bellevau - Commune de Sers

Hermitage du VIe siècle.

Il est intéressant de rappeler le souvenir de l'antique ermitage de Bellevau dont la chapelle a été mise à jour grâce au dévouement zélé de M. l'abbé Petit, curé de Dignac. Cet ermitage peu connu, situé non loin du château de Nanteuil, entre Dignac et Sers, dans la vallée de l'Echelle, mérite de retenir l'attention, car il est assurément l'un des plus vénérables de la région.

Peu de renseignements nous sont parvenus sur son origine. L'abbé Nanglard, dans son Pouillé du diocèse, cite l'ermitage de Bellevau, dédié à Notre-Dame, mais il ne fait allusion qu'à la fondation faite au XVIIe siècle par les religieux désirant y recréer la vie monastique. Seul, l'abbé Mandon, dans ses Notes historiques de la baronnerie de Marthon en Angoumois, publiées en 1895 par la Société Archéologique de la Charente, mentionne l'existence de cet ermitage et rappelle la vie érémitique pratiquée par ces anciens religieux.

Comme on le sait, le monachisme naquit en Orient. Dès le Ve siècle, des moines orientaux, venus par les routes commerciales du midi de la Gaule, vinrent fonder des ermitages où les moines observaient les mêmes règles que celles prescrites en Orient.

Eu cours du VIe siècle, ces lieux de prière et de recueillement ne cessèrent de se multiplier en Gaule, en raison du nombre croissant d'adeptes désireux de vivre en réclusion. Nul doute que notre région, qui eut l'insigne honneur de compter Saint-Cybard parmi ses plus illustres reclus; n'ait connu le même engouement. Tout laisse supposer d'ailleurs que l'ermitage mérovingien de Bellevau ait été contemporain de celui de Saint-Cybard d'Angoulême.

La vallée de l'échelle, avec ses grottes et ses excavations de rochers, offrait un site de prédilection à ces anachorètes soucieux de vivre dans la solitude, loin des regards, afin de mieux de consacrer à Dieu.

Bien des comparaisons pourraient être faites entre l'ermitage de Bellevau et celui de Marmoutiers, près de Tours, dont parle souvent Grégoire de Tours. L'un et l'autre étaient constitués par des grottes creusées dans le rocher. Il est curieux d'observer que ces religieux avaient imité en tous points les moines égyptiens dont les cellules étaient pareillement creusées dans le roc. Le fait n'a rien de surprenant, car les canons des conciles, les vies de saints, nous révélant l'existence de ces religieux, nous montrent que les moines d'Occident se pliaient aux disciplines de la réclusion orientale.

A Bellevau, comme dans la plupart des ermitages, les moines vivaient à la fois de la vie commune et de la vie solitaire. A flanc de coteau, on découvre la chapelle qui pouvait contenir un nombre assez élevé de religieux.

Sans l'heureuse initiative de M. l'abbé Petit, curé de Dignac, cette chapelle aurait vraisemblablement disparu de nos souvenirs. Celle-ci, aujourd'hui, a non seulement retrouvé son ancienne destination, mais encore, dans les années 1950, elle est devenue un lieu de pèlerinage consacré à la Vierge. (chaque année, le premier dimanche d'août). Un chemin partant de la route longeant la vallée de l'échelle y conduit directement.

Cette chapelle monolithe se trouve située près d'une fontaine dont les eaux avaient, depuis des temps fort reculés, le propriété de guérir les enfants malades. Sa forme est celle d'un triangle dont les côtés mesurent environ 15 mètres. Deux ouvertures y donnent accès. La pierre de l'autel a conservé son ancien emplacement. Au fond de la chapelle, on découvre un souterrain aujourd'hui bouché et, dans la voûte, un orifice percé à même le rocher correspond avec l'extérieur.

Aucune sculpture mérovingienne n'apparaît dans cette austère chapelle. Mais par contre, il est bien curieux de découvrir sur le seul pilier entaillé qui soutient la voûte, des motifs de la décoration romane. D'un côté apparaît une colonne engagée, surmontée d'un chapiteau avec sa corbeille très frustre, qui fait face à une autre colonne engagée, taillée à même le rocher. Sur l'autre côté, on ne voit qu'un pilastre dépourvu de toute ornementation.

Ces sculptures nous prouvent qu'à l'époque romane, la vie des ermites de Bellevau se poursuivait encore. Nous ne pouvons en être surpris, car nous savons que les religieux ne cessent d'être attirés par cette vie de réclusion depuis l'époque mérovingienne jusqu'à une période avancée du moyen age.

Au XVIIe siècle, ainsi que nous l'avons dit, trois religieux tentent de recréer la vie monastique à Bellevau, et restaurent l'ermitage. En 1647, en effet, Jean de Bastiane, ermite venu de Salvi en Istrie, Michel Sauveur et Jean Chollet, agrandissent la chapelle en y adjoignant une construction renfermant le nouvel autel, de telle sorte que l'ancienne chapelle servait de nef. Cette fondation ne fut qu'éphémère, car, privé de ressources et de sujets, l'ermitage de Bellevau fut de nouveau abandonné peu de temps après.

Quelles qu'aient été les vicissitudes de cet ermitage, on ne peut manquer d'être frappé par sa longue existence au cours des âges, si l'on en juge par l'empreinte des pas des religieux dans le rocher.

Se frayant un passage dans le roc, les moines accédaient péniblement à l'étage supérieur où se trouvaient les cellules. Celles-ci, fort nombreuses, s'étalant le long de la vallée, prouvent l'importance de l'ermitage de Bellevau. On y découvre de nombreuses ouvertures percées dans le rocher et, afin de se protéger des eaux de pluie, les religieux avaient entaillé les rebords de leurs cellules afin que les eaux soient rejetées sur les côtés. Il y a lieu de noter également la présence d'excavations rondes, creusées dans le rocher, qui, au nombre de trois, servaient vraisemblablement à la conservation des grains, nourriture nécessaire à leur subsistance. Une fontaine, déjà signalée, les alimentait, et un étang leur servait de vivier.

On rencontre à Bellevau, les éléments qui constitueront plus tard les cloîtres. Sous l'influence grandissante de Cluny, les religieux devaient être de plus en plus attirés vers ces monastères bénédictins, grands centres de la vie monastique au moyen age.

Tout ce passé que nous retrouvons, à peine altéré à Bellevau, constitue des témoignages bien émouvants de cette vie érémitique qui connut tant d'adeptes dès le début de la chrétienté, et dont Saint Cybard fut l'un des plus glorieux représentants.

Bibliographie:

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